Haïti et la République Dominicaine : Avantages à Tirer de la Fermeture de la Frontière
Nous ne pouvons pas développer un pays avec des petites idées fermées dans des pratiques égocentriques.
Par Lefabson Sully
Ces derniers mois, nous assistons à une situation qui ne cesse de se dégrader entre Haïti et la République Dominicaine. Il faut dire que la contestation virulente du président dominicain de la fouille d’un canal sur la rivière massacre par les Haïtiens serait la cause occasionnelle des dernières agitations. Si nous nous mettons dans le paradigme de Claude Gilbert et de Patrick Lagadec du CNRS et de Sciences Po, nous pouvons qualifier cette situation de tension en une crise continue car elle met à l’épreuve l’ordre existant, elle évolue et se déborde d’un bout à l’autre. Dans cet article, je ne vais pas revenir sur les antécédents sociohistoriques ni politiques entre les deux pays. Cependant, je vais passer en revue certains aspects essentiels qui pourraient être considérés comme des avantages de la fermeture de la frontière actuelle. Aussi, la cause de la fermeture ne sera pas prise en compte car même le président Dominicain, Monsieur Luis Rodolfo Abinader, tergiverse sur le pourquoi de cette dite fermeture. Alors, comment Haïti, à travers ses dirigeants, peut-elle transformer ce moment obscur en véritable opportunité et créer un boom historique ? Selon moi, bien que présentant des défis immédiats, voici quelques-unes des opportunités à saisir :
1. Stimuler la production locale en promouvant l'autosuffisance alimentaire
La fermeture de la frontière peut inciter Haïti à augmenter sa production locale pour répondre à la demande intérieure. Cela pourrait encourager l'investissement dans l'agroalimentaire, l'industrie manufacturière et d'autres secteurs économiques, créant ainsi des emplois et stimulant la croissance économique. Actuellement, de nombreux Haïtiens en Haïti et dans la diaspora investissent quand même en Haïti malgré le niveau élevé des risques économiques. La fermeture devrait être un bon prétexte pour renforcer leurs flux d’investissement, en particulier dans les domaines essentiels susmentionnés. En investissant dans l'agriculture et en soutenant les agriculteurs et producteurs locaux, Haïti peut progresser vers l'autosuffisance alimentaire. Elle pourra ainsi réduire la dépendance aux importations alimentaires (œufs, fruits, légumes et autres produits consommables au quotidien) et améliorer la sécurité alimentaire du pays. Un exemple, en 2021, Haïti a importé près de 246 millions de dollars de riz (selon la plateforme oec.world), or nous avons la Vallée de l’Artibonite et d’autres terres cultivables comme la plaine Maribaroux presque inexploitée.
2. Développer les relations commerciales avec d'autres pays
Il n’y a pas que la République Dominicaine comme pays fournisseur ou partenaire économique. Il y a aussi la Jamaïque, Les États-Unis, le Mexique, même la Chine, le Canada etc. Nous sommes en 2023 à l'ère du libre-échange et de la mondialisation où l'activité commerciale transcende les frontières. Il est temps que Haïti diversifie sa chaîne d’approvisionnement. Haïti peut chercher à diversifier ses partenaires commerciaux en explorant de nouveaux marchés pour l'exportation de ses produits. Des accords commerciaux peuvent être négociés avec d'autres pays afin de compenser la réduction des échanges avec la République dominicaine. Pour ceux qui ne le savent pas, la chaîne d’approvisionnement est un ensemble qui inclut les matières premières, les fournisseurs, la clientèle, le transport, la technologie et les communications, ainsi que les services de sous-traitance.
3. Stimuler l'industrialisation et l'emploi local en encourageant l'innovation et l'entrepreneuriat
Selon moi, ceci constitue le plus grand défi à relever car culturellement, nous avons des barrières qui nous empêchent de voir le progrès de l’autre comme un avantage collectif et de viser loin et haut. Nous ne pouvons pas développer un pays avec des petites idées fermées dans des pratiques égocentriques. La fermeture de la frontière peut inciter Haïti à promouvoir son industrie manufacturière, en produisant localement des biens de consommation courante. Il faut aussi que la classe économique accepte que d’autres entrepreneurs émergent et prennent des décisions innovantes. Cela peut créer des emplois (avec un taux de chômage qui a dépassé 15% en 2021 selon la Banque Mondiale) et renforcer l'économie nationale. La nécessité de réduire la dépendance à l'égard des importations peut stimuler l'innovation et l'entrepreneuriat. Les entrepreneurs haïtiens pourraient être encouragés à développer des solutions locales, à moderniser les processus de production et à introduire de nouvelles technologies.
4. Investir dans les infrastructures en promouvant le tourisme local
La fermeture de la frontière peut inciter le gouvernement haïtien à investir dans les infrastructures essentielles, telles que les routes, les ports et les aéroports, pour faciliter le transport et la distribution des biens à l'intérieur du pays et à l'extérieur. La fermeture de la frontière peut inciter Haïti à promouvoir le tourisme intérieur en encourageant les Haïtiens à découvrir et à visiter les sites touristiques de leur propre pays. Cela pourrait contribuer à la croissance du secteur touristique local.
En conclusion, j’apporte des idées ; cependant, il est important de noter que pour saisir ces opportunités, Haïti devra freiner l’insécurité, investir dans l'éducation, le développement des compétences, la stabilisation politique et d'autres facteurs clés qui soutiennent la croissance économique et le développement durable.
Signature : Lefabson Sully, B. Droit, Étudiant au département de sociologie de l’Université de Montréal; Directeur Général de Québec Inclusif;
Créateur de contenus numériques
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